[Cp] Procès à l’encontre de 15 membres d’une confraternité nigériane à Marseille:des peines exemplaires prononcées

Du 06 au 24 novembre dernier, à la 7e chambre du Tribunal correctionnel de Marseille, a eu lieu un procès pour participation à association de malfaiteurs, aide à l’entrée et au séjour irrégulier, agressions sexuelles et proxénétisme aggravé à l’encontre de 15 membres d’une confraternité nigériane, « Supreme Vikings Confraternity » ou « Arrow Baga ». 

 

L’Amicale du Nid a accompagné pendant plusieurs années les 8 femmes nigérianes victimes de ce groupe mafieux, et s’est constituée partie civile à leurs côtés dans cette affaire. Les faits dénoncés par ces victimes concernent un viol en réunion et le proxénétisme commis pendant plusieurs années par les « Vikings » dans des quartiers connus de Marseille, notamment le Parc Corot.

La correctionnalisation de cette affaire est due au fait que les viols dont ces victimes ont fait l’objet ont été déqualifiés en agressions sexuelles, comme cela se produit souvent lorsqu’il s’agit de personnes en situation de prostitution.

 

Par ailleurs, l’emprise déployée par les membres de ce gang sur les victimes – caractérisée par les menaces de mort, les intimidations, les violences physiques et psychologiques, et rituel de sorcellerie (juju) – a fait en sorte que ces femmes soient déshumanisées. Le viol est le mode opératoire des Arrow Bagas pour « briser » les victimes.

 

Ils exercent la violence pour montrer leur pouvoir et réduire au silence leurs victimes du proxénétisme, dont ils se servent, afin de s’enrichir. Un « business » qui intègre également le marché du trafic d’armes et de stupéfiants marseillais.

 

Nous considérons important de rappeler que deux victimes ont pu apporter leur témoignage dans ce procès. Ces deux femmes, en s’exposant à nouveau aux agresseurs et aux possibles poursuites dans les rues de Marseille pendant le procès, ont eu le courage de faire face à la peur et la terreur semées au fil des années par les membres du gang.

 

Toutefois, la présence de « seulement » deux victimes sur huit montre l’ampleur de l’emprise à laquelle elles sont et ont été exposées. Les victimes qui ne se sont pas présentées sont restées craintives, car pour la plupart, elles ont été soumises à un rituel de sorcellerie. Toutes les femmes victimes ont subi des importants préjudices, l’une d’entre elles dit se sentir « morte intérieurement ».

 

Une des victimes de cette organisation criminelle témoigne plus longuement :

 

« J’ai subi des injustices depuis le Nigeria. Je me prostitue depuis juillet 2019 pour le compte de ma propre sœur qui m’a amenée du Nigeria en Espagne par TEHES, puis je suis arrivée en France à Marseille en avion payé par ma sœur. De base, ce n’était pas prévu que je me prostitue, mais je l’ai fait, j’étais contrainte de rembourser à ma sœur une dette de 20 000€. Mais j’ai réussi à m’enfuir et par la suite, j’ai appris que ma sœur était repartie en Italie. Depuis, j’utilisais ses papiers italiens car on se ressemble. Ensuite j’ai connu une des filles, victime de ce réseau qui m’a fait habiter avec elle dans la « zone » du Parc Corot et j’ai commencé à me prostituer dans le même l’endroit qu’elle, pas loin du l’endroit où on résidait.

 

Concernant les faits du viol, ce jour-là, le 29 mars 2020 il y avait le Covid, j’étais avec mes copines dans l’appartement où on vivait, plus précisément dans un appartement au 7e étage. Celui que je reconnais comme le chef, est venu avec 4 hommes munis d’armes blanches dont des machettes, pour nous réclamer l’argent de la prostitution à moi ainsi qu’à toutes les filles. Ils nous ont menacés et pris l’argent dans les valises, ils ont tout détruit puis ils sont partis. Ce jour-là il n’y a pas eu de viol.

Le lendemain soir, ils sont venus et ils étaient plus de 20 personnes, ils frappent à la porte et ils voulaient que je travaille alors que j’étais malade car j’avais mes règles. Malgré mes règles ils m’ont violée, moi et les 3 autres filles. Nous avons été violées brutalement pendant plusieurs heures par un homme après l’autre sous menace des machettes pendant 2h, par 5 hommes en moyenne. Le viol a été commis dans les 2 chambres, dans la cuisine et le couloir.

 

Moi, j’ai été violé dans la cuisine sans préservatif. Pour moi c’est très dur de me rappeler cela. J’ai été frappée dans le dos par deux membres du Arrow Baga. Je souffre encore de douleurs au dos.

Le chef m’avait menacée de ne pas pouvoir revoir mes enfants, qui sont actuellement au Nigeria, si je ne donnais pas l’argent de la prostitution.

D’habitude, ils viennent deux fois par semaines pour collecter l’argent de la prostitution. Ce qui a déclenché le viol, ça a été le fait que j’avais mes règles et l’absence de la prostitution pendant cette période de confinement due au Covid-19 et donc le fait de n’avoir pas donné assez d’argent à mes proxénètes.

Le leader, c’est lui qui a commencé tout ça, il a dit que Marseille leur appartenait et que la police ne pouvait pas nous aider.

Dieu les punira. »

 

Le délibéré du vendredi 24 novembre a permis à toutes ces victimes de voir leurs agresseurs et proxénètes être condamnés à des peines lourdes et justes.

Bien que le viol n’ait pas été retenu en tant que tel, six prévenus ont été condamnés à 10 ans de réclusion criminelle pour agression sexuelle (proxénétisme aggravé, participation à une association de malfaiteurs et d’aide à l’entrée et au séjour irrégulier) et 8 ans pour proxénétisme aggravé (participation à association de malfaiteurs et d’aide à l’entrée et au séjour irrégulier), et de 3 à 7 ans pour participation à association de malfaiteurs et d’aide à l’entrée et au séjour irrégulier.

Pour tous, l’interdiction définitive du territoire français a été décidée.

 

Ces condamnations rappellent l’importance de porter plainte et l’intérêt pour l’Amicale du Nid de se porter partie civile en soutien aux personnes accompagnées par l’association et/ou qui ont été victimes du système prostitutionnel.

 

Ainsi, ce procès de grande ampleur et l’exemplarité des peines prononcées prouvent que la lutte contre toute forme d’exploitation sexuelle doit être renforcée sur l’ensemble du territoire français, afin de repérer, protéger et accompagner les victimes du système prostitutionnel.